Marché du crowdfunding immobilier et crise sanitaire : Vers un effondrement du secteur ?

La crise sanitaire du coronavirus qui secoue la France n’a pas manqué d’enrayer le marché du crowdfunding immobilier. Elle témoigne de l’impact d’un risque trop souvent négligé sur toute une économie et, plus particulièrement, les secteurs de l’immobilier et de la finance. Quelles conséquences attendre de cet épisode sans précédent sur le financement participatif immobilier ?

Le marché de l’immobilier en France suite au confinement

Avant de zoomer sur le marché du crowdfunding immobilier, voyons l’état de celui de l’immobilier. Le secteur de la construction a été stoppé net par les mesures de confinement décidées dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire au milieu du mois de mars 2020. Même si certains chantiers ont pu redémarrer dans un second temps, les retards se sont accumulés.

Entre les difficultés d’approvisionnement en matériel et la nécessaire sécurisation des employés, les contraintes frappant les entreprises du BTP ont extrêmement pénalisé l’avancée des travaux de construction.

Les conséquences pour les professionnels du bâtiment peuvent se décrire facilement :

  • Forte diminution du chiffre d’affaires
  • Tensions extrêmes sur la trésorerie
  • Diminution de l’emploi (baisse de l’intérim, resserrement de la masse salariale et chômage partiel)
  • Déficit des matières premières
  • Retards des chantiers

Or, le secteur de la promotion immobilière est peu soutenu par l’État durant la crise épidémique. La Banque publique d’investissement, BPI France, l’a même exclu de ses dispositifs. Pourtant, les promoteurs immobiliers doivent répondre à leur besoin de trésorerie pour survivre. Le risque de faillite des promoteurs immobiliers et de leurs sous-traitants est bien réel. En tout état de cause, la livraison de nombreux projets accusera un retard inéluctable, surtout ceux dont le terme était assez proche, impactant de ce fait tout le marché du crowdfunding immobilier.

Néanmoins, cette crise sanitaire reste un phénomène transitoire et exogène qui n’ampute en rien la solidité du marché immobilier. Aussi, il est logique de prévoir qu’il repartira dès que les conditions le permettront. La seule inconnue réside donc dans la durée de la pandémie de la Covid-19. Toutefois, si le secteur du bâtiment se retrouve malmené pendant trop longtemps, ses capacités de rebond rapide seront diminuées. En effet, une trésorerie exsangue et une force salariale annihilée limiteront la force et la rapidité de la reprise.

Quelles sont les conséquences de la crise sanitaire sur le marché du crowdfunding immobilier ?

Il est évident que le marché du crowdfunding immobilier, à l’image de celui de l’immobilier, est impacté par l’épidémie du coronavirus. Néanmoins, les retombées ne sont pas les mêmes et certaines restent encore à évaluer, en particulier dans leur étendue et leur durée.

Arrêt du remboursement aux crowdfunders

Les projets de promotion immobilière qui bénéficiaient d’un versement des intérêts tout au long de la réalisation des opérations ont arrêté les versements. Compte tenu des retards pris par les chantiers et de l’impact sur la trésorerie des entreprises du BTP, le choix des plateformes de crowdfunding immobilier a été de ne plus procéder au remboursement des intérêts.

Cet impact concret et déjà vécu est l’une des premières conséquences sur le marché du crowdfunding immobilier ressenti par les investisseurs. Elle ne préjuge en rien de l’aboutissement des projets concernés, ni de leur rentabilité. Néanmoins, elle impacte les finances des crowdfunders ayant investi leur argent.

Diminution de l’offre de financement participatif immobilier

Suite au confinement et à l’arrêt des chantiers, plusieurs plateformes de financement participatif immobilier ont suspendu les nouvelles collectes. D’autres sites participatifs ont poursuivi les offres. Néanmoins, le marché du crowdfunding immobilier a vu son offre diminuer, tout comme le crowdinvesting.

Par la suite, la reprise très progressive des travaux de construction a été suivie par la relance de l’ensemble des sites de crowdfunding immobilier. Toutefois, les offres ne sont pas aussi nombreuses qu’avant la crise sanitaire. Sans doute que, tant que le ralentissement des entreprises du BTP se fera sentir, les campagnes de crowdfunding seront plus parcimonieuses.

Dans un contexte si incertain, les investisseurs se montrent plus prudents, les sites participatifs aussi, tout comme les promoteurs. Le cœur de cette crise sanitaire sans précédent ralentit fortement l’activité de l’ensemble des acteurs du secteur du crowdfunding immobilier.

Il est logique de penser que les nouveaux projets immobiliers sur lesquels les promoteurs travaillaient en amont d’une collecte seront repoussés de plusieurs mois. Les contraintes liées à la reprise des chantiers en cours, associées aux tensions sur les trésoreries, vont paralyser le secteur immobilier durant un certain temps, impactant le marché du crowdfunding immobilier.

Précisons aussi que l’activité des services publics (autorisations d’urbanisme), des banques (prêts immobiliers) comme des offices notariaux (actes de cession) a été ralentie (voire stoppée) par les mesures de confinement amplifiant cet impact sur l’offre. Ce constat fait également prendre conscience d’un risque pouvant se développer dans le crowdfunding immobilier aujourd’hui. En effet, ne pourrait-on pas voir éclore des campagnes de financement participatif concernant des projets ne disposant pas de toutes les garanties jusqu’alors exigées, telles qu’un permis de construire purgé de tous recours ? Mais l’inverse est aussi une option valable !

Une restriction de l’offre d’opérations en collecte a des conséquences sur les plateformes qui se financent sur les projets présentés. C’est pourquoi il faut être attentif sur le choix qu’elles font entre le maintien de leurs exigences quant aux nouvelles campagnes (assouplissement ou non de leurs critères) et leur capacité de résistance face au manque de trésorerie. Certaines plateformes ont cependant décidé de renforcer la sélection des opérations pour tenir compte du contexte particulier.

Sclérose du marché du crowdfunding immobilier

Retards sur le marché du crowdfunding immobilier

La sclérose des chantiers de construction et la paralysie des acteurs du marché entraînent inéluctablement des retards de livraison, de mise en chantiers, de lancement de collecte… Après la phase d’arrêt total, les mesures sanitaires pèsent aussi lourdement sur l’avancée des travaux créant également des surcoûts. C’est tout le marché du crowdfunding immobilier qui ralentit sous l’impact de la crise de la Covid-19.

Pour les opérations de promotion immobilière proches de leur terme, des retards inévitables sont à anticiper. Ils pourraient être de quelques semaines à plusieurs mois. En revanche, les projets à plus longue échéance auront davantage de marge de manœuvre pour se rattraper. Rappelons aussi que les contrats avec les investisseurs prévoient des reports (de 6 mois, généralement) qui permettront la réalisation de l’opération. Néanmoins, il faut avoir conscience qu’il y aura des retards irrattrapables.

Toutefois, les acteurs du marché de l’immobilier ont l’habitude de gérer les aléas. Les retards de chantiers sont monnaie courante dans ce secteur qui sait s’adapter rapidement. Aussi, même si la typologie de crise est inédite, les entrepreneurs savent parfaitement réajuster leurs opérateurs tout au long de leur réalisation.

Il faut noter que les opérations des marchands de biens sur le marché du crowdfunding immobilier ne seront pour la plupart que très peu impactées. En effet, la majorité d’entre elles ne nécessite qu’au plus quelques travaux de rafraîchissement qui ne prendront pas plus de retard que d’ordinaire. Seule la partie administrative, notamment les actes notariés, peut subir quelques délais supplémentaires.

Du point de vue des crowdfunders, un retard de livraison ne signifie pas forcément une baisse de rendement. Ces délais supplémentaires n’auront pas nécessairement d’impact sur les montants escomptés de rémunération des investisseurs.

Par ailleurs, même si un retard de remboursement peut mettre en difficulté certains investisseurs (qui attendaient les sommes d’argent prêtées), il faut noter que le plus souvent les projets prolongés continuent à produire des intérêts au taux annoncé. Ils permettent alors aux crowdfunders de récupérer une somme plus importante que prévu.

Défaut de remboursement & faillite de porteurs de projet

Il est bien évidemment possible que cette crise sanitaire n’impacte plus durement certains promoteurs sur le marché du crowdfunding immobilier. Des chantiers gelés, des commercialisations léthargiques ou encore des trésoreries épuisées pourraient finir par avoir raison d’opérations immobilières et même d’entreprises. Le risque de défaut de remboursement des crowdfunders et de faillite des promoteurs immobiliers est bien plus important dans le contexte de la pandémie de la Covid-19.

Si un porteur de projet se retrouve dans l’incapacité de rembourser les sommes de la campagne de crowdfunding immobilier, les investisseurs vont perdre tout ou partie de leur capital. Le taux de défaut du marché du crowdfunding immobilier est jusqu’à cette crise sanitaire très faible, voire infime, mais la crise sanitaire est en mesure de le faire grossir très vite.

Une sclérose de l’immobilier trop longue aura des conséquences trop lourdes pour certains promoteurs. Des chantiers à l’arrêt, un chiffre d’affaires nul et des charges toujours présentes peuvent conduire des entreprises du bâtiment à la faillite. Le besoin de trésorerie sera alors un facteur décisif pour ces sociétés.

Par ailleurs, la reprise du marché de l’immobilier, si elle se fait attendre, pourra fortement compromettre les sorties positives du crowdfunding. En effet, la commercialisation des lots des biens financés doit pouvoir rapidement reprendre pour assurer des rentrées d’argent et permettre la livraison des opérations. Or, entre les rétractations des acheteurs finaux et la lenteur des actes notariés, le secteur n’a pas encore vu de rebond. Si la situation devait durer, ce sont les prix de l’immobilier qui finiraient par chuter, amputant la marge des porteurs de projets, une nouvelle fois fragilisés.

Et après ? La solidité du marché du crowdfunding immobilier en question

La crise sanitaire du coronavirus représente un événement exogène et ponctuel qui affecte l’économie dans son ensemble. Il est indéniable qu’elle a ébranlé durement le marché du crowdfunding immobilier.

Mais il s’agit bien là d’un choc conjoncturel qui ne remet pas en cause les fondamentaux du financement participatif immobilier, et plus globalement de tout le secteur de l’immobilier. Le déficit de logements en France va rester une réalité, tout comme les besoins en fonds propres des promoteurs. Le marché du crowdfunding immobilier va donc nécessairement rebondir.

Néanmoins, la situation est préoccupante, car plus la crise dure, plus lente sera la reprise. Même si les observateurs les plus optimistes tablaient sur une courbe « en V » (avec un rebond rapide), d’autres (dont la Banque centrale européenne) espèrent davantage une croissance « en U » (avec une relance suivant une phase de plancher).

En effet, la durée de la pandémie laisse penser que la reprise ne pourra pas être aussi forte et rapide qu’espérée. Les entreprises subissent une carence d’activité bien trop longue pour pouvoir repartir fortement. Les trésoreries mises à mal et la compression de l’emploi, sans compter les éventuelles faillites et liquidations, vont empêcher une reprise dynamique.

Par ailleurs, les partenaires des promoteurs immobiliers, en particulier les banques, devraient à nouveau soutenir les projets de campagnes de financement une fois l’inertie du cœur de la crise passée. Les ventes de biens immobiliers devraient repartir après une période d’attentisme de la part des acheteurs. Une baisse des prix de l’immobilier pourrait se faire sentir, même si compte tenu du manque de logements en France, elle serait alors transitoire.

Le choc de la crise du coronavirus et la sclérose du marché du crowdfunding immobilier pourrait toucher certaines plateformes de financement participatif immobilier. En effet, il s’agit de jeunes entreprises, des start-up pour la plupart, qui vont affronter une période de disette, telle que certaines devront mettre la clé sous la porte. Le secteur est sans doute trop atomisé alors qu’il requiert une solidité financière conséquente.

Du point de vue de la demande, les Français sont aujourd’hui sans doute plus préoccupés par la question sanitaire et par ses répercussions sur leur emploi que par des projets d’investissement. Ce climat anxiogène et incertain n’est pas propice aux placements sur le marché du crowdfunding immobilier.

Durant le confinement, les quelques campagnes réalisées ont mis plus de temps que d’ordinaire à être closes. Mais, depuis les mesures de déconfinement, les collectes sont de plus en plus dynamiques. Avec la relance de l’activité, les investisseurs se tourneront sûrement à nouveau vers un produit financier de moyen terme, comme le crowdfunding immobilier, qui rassure toujours parce qu’il concerne la pierre.

Quelle ligne de conduite pour les investisseurs ?

Les campagnes de crowdfunding immobilier post Covid-19 doivent plus qu’avant retenir votre attention. Il faut être davantage vigilant quant à la solidité des opérations et opérateurs du marché du crowdfunding immobilier. Il est possible de retenir quelques points particuliers à analyser :

  • Les retards de remboursements seront plus importants encore, et doivent donc être mieux anticipés.
  • Les promoteurs immobiliers de plus faible envergure peuvent manquer de trésorerie pour supporter le contexte actuel.
  • L’éventualité d’une baisse des prix de l’immobilier est à intégrer dans vos analyses.
  • Les zones géographiques les mieux dotées en logements risquent d’être impactées par l’éventuelle chute des prix et la contraction de la demande.
  • Les programmes s’adressant aux ménages les plus modestes peuvent être plus délicats à commercialiser, du fait de fragilisation du marché de l’emploi et de la difficulté d’accès à l’emprunt.
  • Les faibles niveaux de commercialisation des opérations présentées sont davantage à craindre et donc à proscrire.

Cet épisode de crise sanitaire nous apprend beaucoup sur les risques en matière de placements. Il nous démontre toute la complexité de bien les identifier et les évaluer à un instant donné. Même si les risques épidémiques existent depuis toujours, nous n’en avions pas assez conscience. Cette crise sanitaire nous prouve aussi que tout investissement recèle de fragilités dont nous ne pouvons pas nous protéger systématiquement. Ainsi investir, c’est risquer.

Parce qu’il accompagne le financement de l’immobilier, le crowdfunding immobilier représente aussi un levier de la relance de son marché. Abonder des campagnes participatives, c’est être acteur du soutien de l’économie réelle et de la relance post crise.


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